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The Centre for Studies on Human Stress (CSHS) is dedicated to improving the physical and mental health of Canadians by empowering individuals with scientifically grounded information on the effects of stress on the brain and body.
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Je me souviens très bien de cette soirée.

 

Mon époux était en voyage d’affaires à l’extérieur de la ville et j’étais donc seule à  m’occuper de mes deux enfants de 2 et 4 ans.  J’avais eu une journée infernale au travail.  Une rencontre très stressante avec une équipe de recherche avec laquelle je collaborais s’était terminée avec six personnes quittant la rencontre les dents serrées.  Un de mes articles scientifiques venait d’être refusé par l’éditeur d’une revue très importante.  Et j’avais eu la lourde tâche de procéder au congédiement d’un membre  de mon équipe de recherche.  Pas léger comme journée.

 

Après ma journée de travail, j’ai récupéré mes deux enfants à la garderie de l’Hôpital où était situé mon laboratoire de recherche.  J’ai immédiatement senti qu’eux aussi avaient eu une journée très fatigante.  C’était l’hiver.  Mettre des habits d’hiver à deux enfants qui se tortillent relève du tour de force.  Couché par terre en pleine crise de bacon, mon fils refusait obstinément d’entrer dans l’habit une-pièce que je tentais de lui faire enfiler.  Pendant que fiston se tortillait par terre, ma fille avait décidé de retourner jouer avec ses amies dans la salle de garderie.  Mon ventre hurlait de stress.  Je n’avais qu’une seule envie : pleurer.

 

Une fois les deux enfants installés dans leur siège d’auto, je suis partie vers la maison…. avec pour seule mélodie deux enfants pleurant et hurlant à tue-tête dans la voiture.  Le bruit était insoutenable.  J’avais les mains crispées sur le volant, les dents serrées, le ventre en bouillie.  Trop occupée à gérer la crise de larmes de mes bambins, je n’ai pas vu l’arrêt-stop que je devais effectuer au coin d’une rue.  Quelques secondes plus tard, des phares se sont allumés derrière ma voiture.  Une voiture de police me sommait d’arrêter.  J’ai refoulé une fois de plus mes larmes.

 

Deux policières occupaient la voiture de police.  Quand l’une d’elles s’est approchée de mon véhicule, j’ai descendu la fenêtre de ma voiture et au moins 100 décibels de hurlements d’enfants l’ont assaillie.  Je me suis retournée vers la policière, le visage crispé, les yeux embués et pochés, mon être entier transpirant la fatigue.  La policière m’a regardée, elle s’est tournée vers les deux enfants qui hurlaient à poumons relâchés à l’arrière de la voiture et elle m’a dit : ‘Madame, je vous suggère de faire attention à vos arrêts-stops.  Il y en a pleins sur cette rue’.  Puis, elle est retournée à son véhicule et m’a laissée partir.

 

J’ai pleuré de joie.  Madame, si vous vous reconnaissez : merci.  À la maison avec mes deux enfants fatigués, j’ai fait le repas pendant qu’ils me criaient leur faim. Une fois la cuisine nettoyée c’était maintenant l’étape du bain.  Mon stress n’avait pas diminué d’un cran.  Il était encore bien là, installé dans mon ventre, empêchant mes poumons de respirer adéquatement.  J’avais les mains crispées sur le linge à vaisselle pendant que je terminais de nettoyer la cuisine et je sentais que ma patience était à une seconde d’éclater en une colère qui pourrait soulever le toit de la maison.

 

Une fois le bain coulé, j’ai installé mes deux bambins dans la baignoire et je me suis placée devant eux pour les superviser.  Les petits étaient encore pleins d’énergie et jouaient à se lancer de l’eau.  J’en recevais aussi et je sentais la moutarde me monter au nez.  Ça n’allait pas tarder.  J’allais éclater d’une colère noire et profonde et je le savais.  J’avais sérieusement besoin et vite d’une façon d’arrêter net ma réponse de stress pour ne pas que celle-ci déborde sur mes amours.

 

J’ai alors décidé de tenter le tout pour le tout.  J’ai interrompu le jeu des petits et je leur ai lancé : ‘Les cocos !  On fait un nouveau jeu !  On va chanter ensemble la chanson des petits animaux de ferme !’.  Les petits se sont lancés sans hésiter dans la chanson et je les ai suivis en entonnant la mélodie.  Soudainement, ma fille s’est arrêtée et m’a dit : ‘Maman !  Tu chantes fort hein !!!’.

 

Maman venait de mettre en place une méthode éprouvée pour diminuer les hormones de stress ; chanter.  Après trois mélodies chantées à tue-tête avec les enfants, je me sentais mieux.  J’avais perdu l’énergie mobilisée lors de mes multiples réponses de stress de la journée, je respirais mieux et je n’avais surtout pas perdu patience avec mes amours.

 

Comment expliquer que le fait de chanter peut aider à faire diminuer les hormones de stress?  Simple.  Quand on chante, on fait de la ‘respiration-bedaine’, et ceci diminue la réponse de stress.  Lorsque votre cerveau détecte une menace, il va mobiliser une dose massive d’énergie pour vous permettre de combattre la menace ou fuir si celle-ci est trop importante.  Maintenant, qu’est-ce que cela veut dire ‘mobiliser de l’énergie?’.   Une mobilisation d’énergie ressemble un peu à la situation suivante.  Imaginez que je vous présente un haltère de 60 kg et que je vous demande de le soulever.  Ce que vous allez faire est la chose suivante.  Vous allez vous approcher de l’haltère, prendre une bonne bouffée d’air ou plus, vous pencher, prendre l’haltère et le soulever tout en retenant votre souffle.  Vous avez mobilisé toute votre énergie pour soulever cet haltère.  Une fois l’appareil perché au bout de vos bras, vous allez continuer à retenir votre souffle car sinon, vous risquez de réduire votre effort et de devoir le laisser retomber.

 

Il est assez aisé de reconnaître que quelqu’un est en état de stress.  Vous n’avez qu’à évaluer à quel point sa parole est saccadée.  La respiration saccadée de cette personne est un signe clair qu’elle est en grande mobilisation d’énergie et que pour ce faire, elle retient son souffle.  Si vous deviez faire un exposé oral en ayant 60 kg au bout des bras, votre débit serait saccadé car vous ne cesseriez de retenir votre souffle pour pouvoir mobiliser toute l’énergie dont vous avez besoin pour garder l’haltère bien haut au-dessus de votre vête.  C’est exactement ce qui se passe lors d’une réponse de stress.

 

Toutefois, sous votre cage thoracique se cache un muscle appelé le diaphragme.  Lorsque vous faites entrer beaucoup d’air dans votre corps en faisant gonfler votre ventre, ceci a pour effet de créer un effet d’extension de ce muscle.  Lorsqu’un certain niveau d’extension est atteint, le diaphragme active la réponse parasympathique qui a pour effet de faire cesser la réponse de stress.  Bien sûr, le mécanisme physiologique exact de cet effet est très complexe, mais il vous suffit essentiellement de comprendre que plus le diaphragme est en extension par l’effet de l’air qui s’engouffre dans votre ventre, plus grande est la probabilité que vous activiez le système parasympathique qui fait cesser la production des hormones de stress.

 

Une excellente façon de faire de la respiration-bedaine sans s’en rendre compte, c’est de chanter.  En effet, lorsqu’on chante, une dose importante d’air pénètre dans notre corps et mène à une extension du diaphragme.  Cette extension active alors le système parasympathique qui a une action inhibitrice sur la réponse de stress.

 

Les journalistes me demandent souvent si notre génération est plus stressée que la génération de nos grands-parents.  Je leur réponds toujours que personne ne peut répondre à cette question car aucune étude n’a été effectuée sur le sujet.  Toutefois, quand je regarde comment nos aïeuls vivaient, je me dis qu’ils avaient mis en place des mécanismes intéressants pour diminuer le stress probablement sans le réaliser.

 

Quand j’étais jeune, j’adorais les soirées du jour de l’an car c’était en général le moment où on entonnait les chansons à répondre.  Oncle Gérald partait la toune en tapant du pied et, bien assis tous en rond autour de lui, on répétait inlassablement les refrains qu’il entonnait.  Quand oncle Gérald arrivait à l’inévitable portion grivoise de la chanson, on se regardait tous en riant avant de se remettre à chanter allègrement pour lui répondre.  Et en riant, on diminuait aussi notre stress (j’y reviendrai :).

 

Hier soir, Martha Wainwright a invité les montréalais à se placer sur leurs balcons à 20h00 pour chanter ensemble la chanson ‘So Long, Marianne’ de Léonard Cohen.  À travers une diffusion en direct sur les médias sociaux, Mme. Wainwright a dirigé la chorale.  Pour une chercheure comme moi qui travaille sur le stress humain depuis longtemps, de telles actions ne sont pas anodines.  Elles contribuent à diminuer le stress de la population.

 

Mais vous n’avez pas besoin d’habiter Montréal ou de sortir sur votre balcon pour profiter de cet effet.  Vous pouvez organiser dès maintenant des soirées-karaoké tous les mercredis soir à la maison avec tante Fanny et oncle Robert qui participent par Skype ou Facetime.  Vous pouvez décider de chanter une toune par jour de chaque album de chansons populaires que vos jeunes adorent et ce, jusqu’à la fin du confinement de la COVID-19.  Vous pouvez chanter à tue-tête seul(e) dans votre voiture quand vous allez mettre de l’essence.  Vous pouvez chanter dans votre douche. Et pas besoin d’être une Ginette Reno pour le faire!

 

Ou encore, je rêve… On pourrait tenter de réactiver les chansons à répondre en demandant à nos personnes âgées isolées en centre d’hébergement de nous ressortir les vieilles chansons populaires des années 1950.  J’imagine déjà oncle Gérald sur Facetime en train de reprendre son refrain grivois pendant que 250 personnes sur Skype lui répondent en chantant et en riant.

 

On pourrait s’amuser allégrement tout en diminuant nos réponses de stress !