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The Centre for Studies on Human Stress (CSHS) is dedicated to improving the physical and mental health of Canadians by empowering individuals with scientifically grounded information on the effects of stress on the brain and body.
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Ces jours-ci, je ressemble un peu à un chevreuil devant les phares d’une voiture arrivant à toute allure.  Figé sur place, le regard un peu hébété, incapable de décider s’il court à gauche ou se jette dans le fossé à droite de la route.

 

Je croyais entrer dans la pandémie de la COVID-19 et, tranquillement installée à mon bureau, faire ma modeste part en espérant que le fait de rédiger des billets de blogues quotidiens aiderait les lecteurs à mieux négocier leur stress.  Je prendrais ensuite du temps pour enregistrer mon cours universitaire et aider mes étudiants gradués dans leurs travaux de maîtrise et de doctorat.  Je ferais tout cela en allant courir de temps en temps et en promenant mon chien.  Petite vie tranquille quoi.

 

Puis, les demandes se sont mises à affluer.  Un groupe qui veut que je l’aide à parler de stress aux jeunes.  Un autre groupe me demandant d’aider à mettre en place des moyens pour supporter les parents pris dans la tourmente de la COVID-19.  Et tous ces professionnels de la santé qui attendent qu’on les aide à négocier cet énorme stress qui repose maintenant sur leurs épaules.

 

Mon courriel ne dérougit pas et les ‘dings’ stridents ne cessent d’emplir la petite pièce de la maison qui me sert de bureau.  Je dois recevoir au moins 5 à 10 demandes d’aide pour divers organismes par jour.

 

Je veux aider, mais je commence à avoir mal au ventre de stress.  Je le reconnais bien ce vieil ami.  Quand il arrive dans mon corps et commence à me serrer les entrailles, avant de s’installer bien confortablement dans ma tête.  Une fois dans ma tête, il se met à activer mon petit hamster qui commence son inlassable rengaine : ‘Trop de choses à faire, tu n’y arriveras pas !  Trop de choses à faire, tu n’y arriveras pas !’

 

Ce fameux hamster.  L’ami incontournable des anxieux.  Cette petite voix dans la tête qui ne cesse de répéter inlassablement les mêmes messages.  ‘C’est trop difficile, tu ne réussiras pas cet examen de fin d’année’.  ‘Si je ne réussis pas à signer ce contrat, ma carrière est terminée’.  ‘Je vais attraper la COVID-19 et la donner à mes enfants’.  ‘Qu’arrivera-t-il si mon vieux père attrape la COVID-19 tout seul dans la maison pour personnes âgées ?’

 

Bref, cette petite bête pernicieuse commence à s’installer doucement dans ma tête.  La coquine.

 

Mais le rongeur ne m’énerve pas trop.  En effet, je sais qu’il s’active pour me sauver la vie.  La nature ne nous a pas placé un hamster dans la tête pour nous faire la vie dure et nous rendre malheureux.  Non, un hamster dans la tête, ce n’est rien d’autre qu’un cerveau qui a détecté une menace.  Et lorsque cette menace n’est pas négociée, le hamster part sa course pour continuer de nous rappeler inlassablement qu’on a dans notre vie un stress non-négocié.  Et il continuera de nous envoyer ce message tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas négocié la menace.  Belle petite machine vous ne trouvez pas ?

 

Le revoilà donc dans ma tête : ‘Trop de choses à faire, tu n’y arriveras pas.  Trop de choses à faire, tu n’y arriveras pas’.    Dac.  J’ai un stress non-négocié.  Celui de ne pas avoir vu venir la vague déferlante (non, plutôt le tsunami) de demandes d’aide de la part d’à peu près tous les organismes du Québec !  Nouveauté.  Imprévisibilité.  Sens du contrôle faible.  Menace à l’égo (‘je n’y arriverai pas, je décevrai’).  Les quatre ingrédients du stress réunis dans une seule situation.  Gros mammouth :).

 

Comment ai-je fait pour reconnaître mon stresseur si rapidement quand le hamster s’est activé ?  Facile.  J’ai porté attention au discours du hamster au lien de tenter de le faire taire.  Que me dit-il ce fameux rongeur ?  Quel message mon cerveau tente-t-il de m’envoyer ?  Et systématiquement, quand je laissais jaser le petit hamster, il me disait : ‘Trop de choses à faire, tu n’y arriveras pas !’  ‘Trop de choses à faire, tu n’y arriveras pas !’.  Voici donc l’origine du stress qui m’habite.

 

Merci hamster.  Je sais maintenant pourquoi j’ai mal au ventre et que je dors moins bien ces jours-ci.  Passons à l’action.  J’ai déconstruit mon stresseur en son CINÉ (les 4 caractéristiques du stress; Contrôle faible, Imprévisibilité, Nouveauté et Égo menacé) et maintenant, je vais le reconstruire pour augmenter mon sentiment de contrôle sur la situation et ainsi, faire diminuer ma réponse de stress.

 

‘Que puis-je faire pour que la situation soit moins nouvelle ?’  Simple.  Accepter le fait que mes prochaines semaines ne seront pas comme prévues et que tout le travail que je m’étais promis de compléter en lien avec mes études scientifiques devra être mis de côté pour tenter de répondre au mieux aux différentes demandes de transfert de connaissances.  C’est nouveau, et c’est OK.  J’ai compris ça.  Check.

 

‘Que puis-je faire pour que la situation soit moins imprévisible ?’  Je vais tenter de mettre de côté 90 minutes par jour pour répondre aux demandes imprévues.  Si elles surviennent une journée donnée, je saurai alors que j’ai du temps pour les négocier.  Si je n’ai aucun imprévu une autre journée, j’aurai 90 minutes de plus pour aller promener mon chien.  Check.

 

‘Que puis-je faire pour que cette situation soit moins menaçante pour mon égo ?’  J’accepte le fait que, bien que j’aie promis à beaucoup de gens et d’organismes de les aider à contrôler le stress de leurs troupes (c’est stressant en titi de tenter d’être une super-héroïne !), je ne serai pas capable de répondre seule à la demande.  L’humilité est une arme diabolique pour combattre le stress.  J’ai besoin d’aide, je n’y arriverai pas seule et je le reconnais.  Je vais donc appeler en renfort mes merveilleux étudiants dont certains sont devenus chercheurs scientifiques et d’autres sont encore à travailler sous ma supervision.  Je vais donc partager ce nouveau ‘spotlight’ d’expertise de stress avec eux.  Dre Marie-France Marin, spécialiste des mémoires traumatiques et des effets du trauma sur le cerveau humain.  Dr Pierrich Plusquellec, spécialiste des comportements non-verbaux associés au stress et aux émotions.  Catherine Raymond, qui termine son doctorat sur les effets de l’adversité sur la mémoire et la régulation des émotions et notre petite dernière, Audrey-Ann Journault qui commence le sien sur l’anxiété de performance chez les enfants et les adolescents.  C’est ensemble que nous réussirons à répondre à la demande et à aider le plus de gens possible à bien négocier leur stress.  J’ai communiqué avec eux et ils ont tous répondu à l’appel en un quart de seconde.  Check.

 

‘Que puis-je faire pour augmenter mon sentiment de contrôle sur cette situation ?’  Il faut que j’organise les troupes pour bien évaluer et répondre aux demandes, et m’assurer de fournir une information de qualité aux gens qui ont besoin de négocier leur stress.  J’organise une rencontre avec ma nouvelle équipe et on développe un plan d’attaque.  On aura plein de choses à fournir aux gens et aux professionnels de la santé dans les jours à venir.  J’ai plus de contrôle sur la situation.  Check.

 

Tout devrait être parfait.  Mon stress a été déconstruit en ses quatre caractéristiques CINÉ et reconstruit avec des plans d’action pour chaque caractéristique.  Mon hamster devrait se taire.  Pfiou.

 

Je me dis que je devrais écrire un billet de blogue pour apprendre aux gens comment déconstruire et reconstruire leur stress en utilisant le CINÉ.  Cela pourrait grandement les aider.

 

Je m’assois à mon bureau et j’attends.  Le hamster va-t-il revenir hanter ma pensée ?  Une minute passe.  Cinq minutes passent.  Ah ! Le revoilà qui réapparaît ! Méchant garnement !  Que fait-il encore là ?  Je l’écoute.  ‘Tu n’as pas le contrôle.  Vous avez la connaissance, mais pas les moyens de la communiquer.  Tu n’as pas le contrôle.  Vous avez les connaissances, mais pas les moyens de la communiquer’.

 

C’est vrai.  Grâce à mon équipe scientifique de choc, nous cumulons un grand bagage de connaissances pour aider les gens à négocier le stress de la pandémie de la COVID-19, mais on risque sérieusement de manquer de moyens pour la communiquer.  Comment développer de belles affiches sur le stress pour les jeunes quand je ne sais même pas comment dessiner un bonhomme allumette et qu’on a aucun budget pour faire cela ?  Comment pousser les informations sur les différents réseaux sociaux quand j’ai de la difficulté à comprendre ma page Facebook ? Je dois augmenter encore une fois mon sentiment de contrôle sur cet aspect du problème.

 

Et je me redis encore une fois que l’humilité est une arme diabolique pour combattre le stress.  Non, nous chercheurs n’avons pas nécessairement le talent pour communiquer nos connaissances au moyen de différents médiums visuels, télévisuels et autres.  Alors, si j’ai besoin d’aide à ce niveau, j’irai voir le public et demanderai son aide.  Dans tous nos amis virtuels sur nos diverses plateformes de médias sociaux, il doit bien y avoir des artistes qui peuvent dessiner de belles affiches pour parler de stress aux jeunes, il doit bien y avoir des vedettes de télévision ou du web qui peuvent faire des capsules avec nos mots pour parler de stress rapidement aux professionnels de la santé, il doit bien y avoir des gens qui peuvent aider à faire bouger nos informations sur le stress sur les différents réseaux sociaux.  Tous ces merveilleux talents sont là.  Je le sens et je le sais.  Alors, quand viendra le temps, je saurai demander de l’aide pour communiquer nos connaissances.  Et je me dis que les gens répondront à l’appel.

 

Je me rassois à mon bureau.  Tiens…. Mon hamster s’est calmé.  Va-t-il revenir ?  Y a-t-il une partie de ce stresseur que je n’ai pas correctement négociée ?

 

Non. Il est parti.

 

Je vais sûrement mieux dormir ce soir.

 

Je sais qu’il reviendra sans doute dans les prochains jours ou semaines, mais c’est OK, car je sais comment négocier la bête.

 

Et puis, j’ai pleins d’ami(e)s.  🙂