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The Centre for Studies on Human Stress (CSHS) is dedicated to improving the physical and mental health of Canadians by empowering individuals with scientifically grounded information on the effects of stress on the brain and body.
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Dépression : Les femmes toujours plus à risque?

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Dans la littérature psychiatrique, on remarque que certaines maladies mentales, dont la dépression, atteignent préférentiellement un sexe plutôt que l’autre. Cette observation a suscité de nombreux questionnements : Existe-il une explication génétique ou physiologique à de telles différences, ou sont-elles le reflet de la construction sociale du genre féminin et du genre masculin? Les femmes sont-elles plus à risque de souffrir de dépression majeure parce que l’on véhicule que le genre féminin a plus le droit d’exprimer ces émotions que le genre masculin?

Sexe, genre et dépression chez la femme

Tout d’abord, il faut savoir que les femmes sont plus à risque de souffrir d’une dépression uniquement pendant la période qui s’étale de la puberté à la ménopause. En effet, durant l’enfance et dans la période post-ménopause, les risques sont environ équivalents entre hommes et femmes. Or, ces périodes correspondent à celles durant lesquelles le cycle menstruel n’est pas observé chez la femme, soit parce qu’il n’a pas été enclenchée, soit parce qu’il a été interrompu (Voir section Régulation de la production des hormones sexuelles et cycle menstruel). De plus, les périodes de plus grande vulnérabilité à la dépression chez la femme correspondent à des moments de changements hormonaux importants comme la puberté, la période du post-partum et la périménopause. Ainsi, les changements propres à l’axe HPG auraient un impact sur les neurotransmetteurs associés au contrôle de l’humeur (ex. : sérotonine, noradrénaline, dopamine). Par contre, il ne faut pas négliger le fait que la composante héréditaire joue un certain rôle, rendant certains individus plus à risque de développer une dépression suite à des événements de vie stressants.

Malgré le fait qu’il y a une forte corrélation entre la régulation endocrine de la femme et la prévalence de la dépression, il ne faut pas non plus négliger les aspects psychosociaux associés aux conceptions du genre féminin. En effet, dès la naissance, les parents interagissent différemment avec un enfant dépendant s’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. (voir section Genre, rôle de genre et identité de genre, sous-section le rôle et l’identité de genre) L’identification au genre féminin ou masculin a ainsi un impact sur la perception de ses propres symptômes dépressifs. En effet, puisque l’on associe au genre masculin des attributs tels que le maîtrise de ses sentiments et l’indépendance, les hommes sont beaucoup moins portés à aller consulter leur médecin lorsqu’ils ont des symptômes de dépression. C’est aussi vrai pour les femmes dont la construction de l’identité de genre leur confère une certaine fragilité par rapport aux hommes, les rendant plus enclines à consulter lorsqu’elles ne vont pas bien. De plus, les rôles sociaux associés aux périodes où la vulnérabilité est particulièrement accrue pour la femme (ex . : puberté, grossesse) pourraient également apporter une certaine explication à la prévalence de la dépression chez les femmes. En effet, ces périodes correspondent toutes à des moments où l’image que la femme a d’elle-même est modifiée. En effet, à la ménarche, la jeune fille se voit entrer dans le monde des femmes puisque son corps change, adoptant des formes plus féminines (ex. : développement des seins, élargissement du bassin). Durant la grossesse et la période du post-partum, elle passe du statut de femme à celui de mère et doit maintenant endosser de nouveau rôles sociaux qui découlent de ces responsabilités. En Amérique du Nord, la ménopause est perçue par les femmes non seulement comme étant la fin des menstruations, mais comme un signe que la vieillesse les guette. Conséquemment, ces périodes de changements sont accompagnées de doutes et de craintes et sont donc stressantes, ce qui augmente la vulnérabilité des personnes qui les vivent à développer diverses maladies liées au stress, notamment la dépression.

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Ménarche et puberté

Durant l’enfance, contrairement à ce qu’on pourrait penser, la dépression est légèrement plus prévalente, non pas chez les filles, mais bien chez les garçons. Toutefois, à partir de la ménarche, le ratio de 2:1 entre filles et garçons s’instaure. Bien que l’on ignore encore avec certitude la raison de ce changement, plusieurs hypothèses liées au commencement du cycle menstruel ont été proposées. D’abord, les hormones gonadiques auraient un impact sur l’un des systèmes reliés à l’humeur, soit celui de la sérotonine (5-HT). En effet, l’estrogène et la progestérone auraient un impact au niveau de la transcription et de la répartition des récepteurs 5-HT, rendant la femme plus vulnérable au développement de la dépression. Également, une autre hypothèse est que les profonds changements hormonaux vécus par le corps avec l’instauration du cycle menstruel se répercutent sur tout le système endocrinien. Ainsi, il rendrait l’axe HPS (Voir Section Sexe, genre et réactivité au stress, sous-section l’axe hypothalamo-pituito-surrénal) beaucoup plus vulnérable à certains stresseurs psychosociaux durant cette période, ce qui pourrait se répercuter sur le contrôle de l’humeur.

De plus, l’adolescence, tel que mentionné précédemment, est une étape-clé dans le renforcement de la féminité chez les jeunes filles. En effet, la ménarche change la perception que l’entourage ainsi que la jeune fille ont d’elle-même. Populairement, c’est la transition vers le monde des femmes, ce qui renforce l’identité de genre chez les jeunes filles. Ainsi, l’image de la jeune fille fragile est socialement encouragée, comparativement aux jeunes garçons, et cela peut se répercuter sur la façon dont le stress est géré durant cette période.

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Grossesse et période du post-partum

Tout d’abord, il faut savoir que durant la période suivant la parturition, trois problèmes de santé mentale différents peuvent atteindre les nouvelles mères, soit le «baby blues», la dépression post-partum et la psychose(1) post-partum. Toutefois, seulement un nombre infime de femmes (1 à 2 sur 1000 femmes en période de post-parturition) développent une condition aussi extrême que la psychose post-partum. Les deux autres conditions sont bien plus fréquentes, mais sont parfois encore confondues. Il est donc important de différencier l’une de l’autre. Le «baby blues» est un état passager de déprime, vécu par 30-80% des femmes, qui se caractérise par une instabilité de l’humeur, de l’anxiété, de la tristesse, des crises de pleurs, de l’insomnie et de la fatigue. Ces symptômes se déclenchent habituellement de 3 à 10 jours après l’accouchement et se résorbent d’eux-mêmes en l’espace de 2 semaines. Cet état serait dû à la chute des niveaux d’estrogène et de progestérone suite à la perte du placenta (Voir Section Régulation de la production d’hormones sexuelles et cycle menstruel, sous-section Grossesse et parturition). Ces hormones auraient un impact sur la sensibilité des récepteurs des neurotransmetteurs associés au contrôle de l’humeur. En ce sens, les niveaux d’estrogène et de progestérone (qui diminuent de manière fulgurante suite à la parturition) atteindraient environ au troisième jour post-natal la valeur qu’ils avaient avant la grossesse, ce qui coïncide d’ailleurs avec le moment de l’apparition des symptômes de «baby blues». L’adaptation du corps à ce retour à la normale expliquerait le fait que cet état n’est que passager.

La dépression post-partum, quant à elle, survient bien plus tard, soit de 3-4 semaines jusqu’à 6 mois après la parturition. Elle se caractérise par des crises de pleurs, une profonde tristesse, de l’indécision, l’impression de ne pas être adéquate ou d’échouer dans le rôle de mère et, parfois même, des idées suicidaires en plus de symptômes semblables à ceux de l’hypothyroïdie(2) (intolérance au froid, sécheresse cutanée, constipation et rétention d’eau). Bien qu’une histoire antérieure de dépression et une hérédité familiale de problèmes de santé mentale soient des facteurs importants, le fait que la dépression post-partum ne soit pas présente dans toutes les cultures laisse supposer que les facteurs psychosociaux ont un rôle très important à jouer. Parmi ceux-ci, on compte les conflits avec le conjoint, des événements stressants durant la grossesse et tout de suite après l’accouchement (ex. : maladie chez l’enfant), un statut socio-économique faible, un faible support social ainsi que les attentes irréalistes ou idéalisées par rapport à la maternité.

Il y a cependant des théories plus physiologiques qui pourraient expliquer la dépression post-partum. D’abord, la sensibilité des récepteurs sérotoninergiques serait diminuée durant la période post-partum chez les femmes génétiquement prédisposées à la dépression. Aussi, durant la grossesse, plusieurs femmes vivraient une certaine dysfonction de la thyroïde, ce qui pourrait expliquer les symptômes semblables à ceux de l’hypothyroïdie vécus durant la dépression post-partum. L’axe HPS pourrait également être impliqué dans le développement de la dépression post-partum (ex.: intolérance au froid, sécheresse cutanée, constipation, rétention d’eau). En effet, lors de la grossesse, le placenta devient source importante d’ACTH (Voir Section Régulation de la production d’hormones sexuelles et cycle menstruel, sous-section Grossesse et parturition). Ainsi, la diminution soudaine d’ACTH et d’estrogène, suite à la parturition, pourrait provoquer une hypoactivation prolongée de l’axe HPS. Or, l’une des hormones impliquées dans cet axe, soit le CRF, a un impact sur le système sérotoninergique puisqu’il modifie l’expression des transporteurs 5-HT de certaines régions du cerveau. Ainsi, puisque l’axe HPS est hypoactivé, il y a moins de CRF et donc, l’expression des transporteurs 5-HT est diminuée, ce qui favorise l’apparition des symptômes dépressifs chez les personnes plus à risque.

Malgré le fait que c’est majoritairement l’effet des stéroïdes sexuels de l’axe HPG sur le cerveau qui ait été abordé jusqu’ici, il faut également savoir que le cerveau produit lui-même une certaine quantité de stéroïdes, appelés neurostéroïdes. Or, la production de l’un en particulier, soit l’alloprégnanolone est particulièrement intéressante du point de vue de la dépression. Ce stéroïde est un agoniste(3) des récepteurs GABAergiques et aurait un effet sur l’humeur, le comportement et le stress. En effet, on remarque que les concentrations d’alloprégnanolone augmentent lors de la grossesse, d’un stress aigu et lors de la prise d’anti-dépresseurs ou d’anxiolytiques tandis qu’elles diminuent lors de la dépression, de la parturition ou du stress chronique. En ce sens, cela pourrait expliquer pourquoi la femme est plus à risque de faire une dépression durant ce moment de sa vie.

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Ménopause

La période de la ménopause est aussi associée à de profonds changements hormonaux. Encore une fois, l’estrogène aurait un impact sur le système sérotoninergique, diminuant le nombre de site de liaison pour le 5-HT, ce qui se répercuterait sur le contrôle de l’humeur. Toutefois, certains facteurs semblent prédisposer davantage à l’apparition de la dépression durant cette période. Ainsi, les femmes vivant des symptômes vasomoteurs, plus connus comme les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes, durant la ménopause semblent plus sujettes à la dépression.

Également, il ne faut pas négliger la perception de la ménopause comme faisant partie des facteurs prédisposant à la dépression. En effet, cette dernière est davantage observée en Amérique du Nord où la ménopause est vue comme une étape négative dans la vie d’une femme plutôt qu’un processus normal du vieillissement. Les femmes nord-américaines ont  une vision plutôt négative de cette période, qui leur signifie que la vieillisse approche, et cela peut occasionner beaucoup de détresse chez certaines d’entre elles, au-delà des changements hormonaux qui peuvent contribuer à un certain niveau.

(1) Psychose : Perte de contact avec la réalité, accompagnée de croyances erronées ou d’hallucinations.
(2) Hypothyroïdie : Condition endocrine où la production d’hormones par la glande thyroïde est diminuée.
(3) Agoniste : Substance, agent ou molécule ayant les mêmes propriétés qu’une autre molécule et qui a la capacité d’activer certains récepteurs propres à cette molécule. C’est en fait une substance avec laquelle on réussit è produire l’effet recherché ou avec laquelle on accroît un effet.